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RUE DE LA LATTE
C'est une rue très ancienne qui fut appelée au fil des siècles: chemin de
la Lacque, Delalacque, des Lattes puis pavé des Lattes.
On la voit déjà sur un plan de 1590. Elle commençait alors rue de Lille
au niveau de l'étude notariale, passait sur le terrain des garages de M.
Leys, traversait la rue du Billemont et continuait par ce qui est aujourd'hui
la rue du Docteur Galissot (voir l'historique de cette rue dans le journal
N.E. du 27.12.1998).
La rue de la Latte commence maintenant après la rue des Arts.
A droite, le parc du château (C.C.A.S.). Dans le parc, à l'endroit des maisons
du nº4, Louis-Joseph Desurmont Carton fit bâtir une sucrerie, vers 1800.
A sa mort, en 1834, ses 3 fils aînés, Louis, François, Edouard et Jean-Baptiste
s'occupèrent de la sucrerie jusqu'en 1851, date à laquelle le textile étant
en pleine extension. Ils trouvèrent plus rentable de la faire démolir et
bâtir à la place une rangée de maisons de tisserands. Lors de la construction
de la Résidence Michelet, une sorte de grande cuve en briques fut mise à
jour mais vite rebouchée (à l'endroit de la station d'épuration).
Comme les 3 frères étaient célibataires, c'est leur neveu Jules Desurmont
Dumanoir qui hérita de la propriété. Mais comme elle ne lui plaisait pas,
il démolit et rebâtit le château en 1907 ainsi que les maisons de tisserands
qu'il remplaça par une écurie de luxe avec sellerie, bourrellerie et logement
pour son cocher. Il fit bâtir aussi par Alphonse Denève, entrepreneur à
Roncq, une fermette au toit de chaume qui brûla en 1931. Elle fut reconstruite
et est toujours habitée. Une partie de l'écurie servit de cantine aux enfants
de l'école Immaculée Conception, située juste en face, sur un terrain, don
d'Edouard Bonduel. Cette école, bâtie vers 1912, servit d'hôpital militaire
allemand pendant la guerre de 1914-1918. Juste à côté, il y avait un café
avec une bourloire où l'on déposait les soldats morts avant de les enterrer
au cimetière de Roncq-Centre, dans un carré réservé à cet effet.
Toujours à gauche, habitaient les derniers marchands de vieux métaux de Roncq,
Julien Charlet et ses enfants. A droite, deux rangées de maisons de tisserands:
la rangée Dupont du nom des propriétaires, Henri et Cyrille, filateurs de
lin à Roncq vers 1850 et bâtisseurs de la propriété « Les Tilleuls », mairie
actuelle. La rangée Desailly était la propriété d'un boucher. Dans la dernière
maison de cette rangée, les frères « Grey » tissaient encore à la main en
1935. Entre les 2 rangées, il existait une petite forge qui fut démolie
en 1914 avec l'intention de la rebâtir en l'agrandissant mais à cause de
la guerre le projet tomba à l'eau.
En 1887, le 9 juillet, Edouard Bonduel demande l'autorisation de faire
construire une briqueterie permanente sur son terrain à gauche de la rue
de la Latte. Après l'incendie de son moulin à huile, en 1891, le frère d'Edouard,
Jules-César qui s'en occupait, se reconvertit dans la brique et les 2 frères
s'associèrent.
Il y a peu de temps encore, on pouvait voir le long du boulevard d'Halluin,
des champs en contrebas de la route. C'est là qu'on extrayait l'argile nécessaire
pour faire les briques. On enlevait la couche de terre arable que l'on mettait
précieusement de côté, on retirait l'argile qui était juste dessous, on
remettait ensuite la bonne terre et le fermier pouvait de nouveau cultiver
son champ qui était seulement un peu plus bas.
C'est à droite à peu près où se trouve l'allée Romain Rolland que fut tué
en 1914-18 Louis Destombes, père de Emile, qui habita plus tard à cet endroit,
et grand-père de Monseigneur Emile Destombes, évêque de Pnom Phen. Il ne
faut pas oublier le cabaret-épicerie « Les quat' mazinques » qui donna son
nom à la résidence des quatre mésanges (nom francisé). « Mazinque », en
patois, signifie « mésange » mais aussi « jeune fille délurée ». Dans ce
cabaret-épicerie, il y avait aussi quatre femmes. L'enseigne représentait
une branche avec quatre mésanges.
Derrière le café étaient organisés des combats de coq. En suivant une autre
rangée de maisons de tisserands la « Rangée Castelle » dont la première
maison fut démolie ainsi que le cabaret des 4 Mazinques pour percer la rue
Maurice Thorez.
En face de la rangée Castelle, un petit ruisseau s'en allait à travers les
champs (le lacque) et allait dans la becque. L'eau y était si claire qu'il
y poussait du cresson.
Puis venait, à gauche, la ferme Destombes Flament dont nous avons parlé dans
l'article sur le CIT. (N.E. du 15.02.1998).
C'est un peu après 1930 que fut construite, sur la droite, la rangée que les
gens appelaient « Nouvelle Rangée » ou « Nouvelles Maisons », bénéficiaires
de la loi Loucheur, votée en 1928. La premièe maison plus cossue était bien
différente. C'était la maison d'un marchand de volailles que les Flamands
appelaient Kakebeen. Pendant un temps on pouvait voir dans la cour un petit
renard apprivoisé. Ce sont les dernières habitations de la rue avant la
rue du Dronckaert.
La rue de la Latte était très fréquentée par les ouvriers frontaliers qui
travaillaient à Tourcoing. Certains y allaient en vélo, d'autres en autobus.
Vers les années 1936, il en passait une cinquantaine que les enfants s'amusaient
à compter.
Ces ouvriers et ouvrières emmenaient toujours un thermos ou une burette remplis
de café. Un soir, voulant se débarrasser du surplus, quelqu'un vida le reste
par la fenêtre du bus. Malheureusement, un passant reçut le liquide sur
la tête. Il releva le numéro de l'autobus et alla porter plainte au commissariat.
Le lendemain soir la police attendait le car et dressa procès-verbal à la
contrevenante (Récit Journal de Roubaix de l'époque).
Lors de la grève dans le textile en 1931, les ouvriers belges travaillaient
quand même. Les jours de paie, en revenant le soir, ils plaquaient contre
la vitre du bus leurs billets de banque qu'ils venaient de recevoir, narguant
ainsi les Français qui ne travaillaient pas. On pouvait voir cette provocation
depuis les premières maisons jusqu'à la sortie de Roncq. Albert, qui habitait
rue des Arts, l'a souvent raconté.
La rue de la Latte a le privilège d'avoir vu se reconstruire la chapelle Notre-Dame
des Champs qui se trouvait dans les champs, à 400m de là, aujourd'hui C.I.T.
C'était en 1987.
Jacqueline et Julien avec l'aimable autorisation de Nord
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